On continue … Sophia Majnoni d’Intignano : Environnement la maison brûle toujours

Sophia Majnoni d’Intignano :
Environnement la maison brûle toujours

Je ne suis plus directrice des programmes de Greenpeace, mais j’ai travaillé pendant 10 ans dans l’Environnement. Merci de m’avoir invitée, la salle est magnifique et l’ambiance au top.

sophia majnoni
On m’a dit, toi tu interviens dans la partie constat, le bilan. Ne cherche pas à dire des trucs positifs , c’est Nicolas Hulot qui le fera à la fin. Un dimanche matin, à 9 h 30, vous déclarer que c’est la catastrophe et que l’on va droit dans le mur, je ne vous cacherai pas que cela m’a vraiment déprimée et comme j’ai un esprit un peu rebelle , j’ai voulu trouver quand même des points positifs !
– J’ai cherché , mais ce n’était pas facile et puis j’ai eu une illumination. Et si je disais que l’avenir de l’humanité repose sur nous, vous, les citoyens. Que la clé dans l’Environnement ce sont les projets locaux , les monnaies locales, la réappropriation citoyenne de l’énergie , Enercoop… et que c’est nous qui allons faire la différence. Qu’il est inutile de s’adresser aux politiques qui ne s’intéressent qu’au pouvoir et qui ne font pas grand chose pour faire évoluer les réglementations. Il s’agit d’agir directement sur les grands groupes. Quand je travaillais à Greenpeace c’était notre stratégie. On interpellait des groupes comme Nestlé, Danone, on faisait pression pour qu’ils arrêtent (par exemple) l’exploitation de l’huile de palme … et puis en une dizaine d’années on s’est rendu compte que le « développement durable » est devenu un truc marketing. Mac Do repeint son logo en vert, il tente une image vertueuse, mais c’est de la com’ sans l’écologie. Non, il n’est pas possible de dire que l’Etat ne sert à rien, qu’il est inutile de voter. Il ne faut jamais oublier que l’outil politique est absolument nécessaire.

J’ai donc exploré une autre piste, l’état des lieux. Pour cela je suis allée faire un tour sur le site du Ministère de l’Environnement en espérant qu’en 10 ans, depuis la mort de l’Abbé Pierre, il y avait des raisons d’espérer.

Météorologie : le réchauffement est patent , nous avons connu les 3 années consécutives les plus chaudes…

Sols : ils se dégradent à cause de l’artificialisation, et sont pollués par des nitrates, des pesticides liés à l’agriculture intensive et productiviste.

L’air : c’est un peu mieux, mais la France dépasse sans cesse les seuils fixés par l’OMS !

L’eau : 92% des cours d’eau français sont pollués par les pesticides et plus de 10 pesticides différents ont été retrouvés dans près de 60 % des cas.

Déchets : mieux, grâce au tri et au recyclage , mais l’incinération c’est pas génial, et si elle réduit le volume des déchets, elle ne détruit pas les polluants nocifs (cancérigènes) pour la santé.

Le bilan n’est pas terrible, car les débats et les velléités politiques sont constamment torpillés par l’influence omniprésente des puissants lobbys de l’agriculture intensive et des industriels de l’agrochimie.

Je me suis tournée, alors, vers ce qui avait bien se passer pendant ces 10 dernières années. Rappelez-vous en 2007, c’était le Grenelle de l’environnement. Voilà quelque chose de prometteur. Parmi les priorités il y avait :

– l’énergie : développement des énergies renouvelables pour atteindre 20% de la consommation d’énergie en 2020 , raté on n’y sera pas…

– les transports : création d’un système de taxes favorisant les véhicules les moins polluants, mise en place d’une écotaxe kilométrique frappant les poids lourds sur le réseau routier…Encore raté : la France est le seul pays d’Europe occidentale où le fret s’est effondré à ce point. La promesse du Grenelle était d’augmenter la part du fret ferroviaire à 25% d’ici 2022, or cette part est tombée depuis le Grenelle de 19% à moins de 10% en 2013 quant à

– la biodiversité : je ne reviens pas sur les espoirs évanouis

et surtout la parole politique…

En 2007, Nicolas Sarkozy déclare « Notre ambition n’est pas d’être aussi médiocre que les autres sur les objectifs, ce n’est pas d’être dans la moyenne. Notre ambition c’est d’être en avance, d’être exemplaire…. Une chance pour réinventer notre modèle de société »

Trois ans après en déplacement au Salon de l’agriculture il lance : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire. »

Et en 2016, candidat à la primaire de droite, il déclare : « On a fait une conférence sur le climat. On parle beaucoup de dérèglement climatique, c’est très intéressant mais ça fait 4,5 milliards d’années que le climat change. L’homme n’est pas le seul responsable de ce changement. »

Alors là , c’est vraiment la cata… en 10 ans on est passés de tout… à rien du tout ! et c’est un vrai problème politique . Les hommes politiques français ne connaissent rien aux problématiques de l’Environnement. Cela ne serait pas trop dramatique , si au moins ils avaient envie d’apprendre. En fait ils n’ont pas de conviction, pas de pensée politique environnementale. Ils ne voient dans ces questions ni une chance, ni une opportunité pour changer. En Allemagne c’est très différent. Les Allemands aiment les normes, elles constituent une opportunité pour se dépasser, une chance de faire mieux. En France au contraire , la norme c’est mal, c’est méchant, c’est une contrainte qui empêche d’avancer … ce qui est excessivement décevant…

Et finalement, pour trouver du positif, si je regardais ce qu’avait dit l’Abbé Pierre sur l’Environnement, puisque précisément aujourd’hui nous sommes réunis, 10 ans après sa disparition. Et là, je me suis sentie un peu con, parce que l’Abbé n’a pas seulement dit des trucs il a fait des trucs. Il a mis en place un modèle de société environnementale qui remet l’homme au cœur du projet. Il a créé un projet politique qui mêle le social et l’environnemental sans les opposer.Et il nous dit que ce ne sont pas les politiques ou les citoyens qui détiennent le secret de la réussite mais les 2 ensembles, tous ensemble. C’est pourquoi il faut continuer, mobiliser les gens qui ont des idées pour faire bouger les politiques , monter partout des communautés sur les sujets environnementaux… par exemple des communautés agricoles respectueuses de l’environnement et des hommes. On convaincra le politique de ne pas écouter la FNSEA ou EDF et le lobby du nucléaire…

Le message d’espoir , il est là, c’est l’Abbé Pierre qui a raison, il faut continuer…